Fraîchement revenu du hajj (pèlerinage) qui s’est bien déroulé lhamdulillah, nous allons pouvoir reprendre nos articles in cha Allah.
Tout d’abord, et avec un peu de retard, Taqaballahu minna wa minkum!
Puis, j’implore Allah le très-haut d’agréer le hajj de tous les pèlerins et de permettre à tous ceux qui n’ont pas encore effectué ce rite, de pouvoir l’accomplir l’an prochain in cha Allah afin que l’on puisse tous profiter de sa rétribution. En effet, il est rapporté dans le Sahih de Boukhari et le Sahih de Muslim, d’après Abu Houraira(qu’Allah soit satisfait de lui) que le prophète(prières et salutations d’Allah sur lui) a dit:
« Le pèlerinage sincère n’a d’autre récompense que le Paradis »
Durant ce voyage, j’ai été le témoin de situations délicates que je vais exposer sous forme de leçons à retenir afin que vous n’y soyez pas confronté pour certaines et afin de réagir au mieux pour d’autres. Chacune sera illustrée par un exemple réel:
1. Prenez le temps de vérifier vos antécédents: médicaux(diabète, asthme…), chirurgicaux(cardiaque, glande thyroïde ou autre glande…), allergie… En effet, j’ai été confronté à une mère de 45ans qui présentait une fièvre, des frissons dans un contexte de grande fatigue, de pâleur, avec des légers oedèmes des membres. En interrogeant sa fille et son fils, il ne pouvaient pas me renseigner sur ses antécédents. Ils avaient juste la notion qu’on lui avait retiré une glande mais laquelle? En l’examinant et en récupérant son traitement habituel, je compris alors qu’il s’agissait de la glande hypophyse et que la patiente était en train de manquer de cortisone et cela depuis 4 jours. Tout cela dans un contexte infectieux! Il était donc urgent de récupérer des antibiotiques et surtout de la cortisone. Imaginez la scène dans les tentes de Mina à 23h.
Lhamdulillah, j’ai pu trouver une pharmacie encore ouverte. Le lendemain, elle se sentait nettement mieux.
La morale c’est qu’il est primordiale d’être à jour sur ses antécédents afin de pouvoir les renseigner le moment venu et puis, il ne faut pas tarder à manifester sa maladie sinon c’est à l’hôpital que l’histoire se terminera.
2. Vérifiez que vous disposez de tous vos médicaments et en quantités suffisantes. Pensez donc à renouveler votre traitement auprès de votre médecin traitant. Durant le voyage, un frère de 55-60ans à commencé à présenter des troubles du comportement: une insomnie, une anxiété, un trouble de la parole et de la compréhension. J’apprends que le patient présente une maladie psychiatrique et bénéficie d’un traitement neuroleptique important et que celui-ci a été interrompu 3 jours auparavant car en quantité insuffisante. Son épouse est inquiète ainsi que les autres membres du groupes. Les pharmacies de ville m’informent que ces médicaments ne sont pas autorisés à la vente publique mais que leur délivrance est exclusivement hospitalière. Il a alors fallu se rendre dans un hôpital à la Mecque où une partie du traitement a pu être récupéré! Encore une fois, vérifiez votre traitement et ce d’autant plus s’il s’agit de traitement neuroleptique ou de dérivé de morphine dont l’obtention est très difficile.
3. Celui qui a une insuffisance veineuse, qu’il pense à se procurer des bas de contention pour les longs trajets en car(Djedda/Médine, Médine/La Mecque). Mieux encore, il est souhaitable d’avoir une injection de produit fluidifiant le sang à se faire prescrire par son médecin traitant afin de prévenir efficacement le risque de phlébite(= caillot qui bouche une veine) pour les sujets les plus à risque. En effet, le nombre de personnes dont les jambes gonflaient à vue d’oeil était important. La forte chaleur et l’étroitesse des sièges y contribuaient pour beaucoup!
Je vais maintenant vous citer 2 situations graves qui reflètent malheureusement l’état actuel de notre communauté:
1. Notre vol depuis Paris a d’abord effectué une escale à Istanbul. Je me rends alors à la salle de prière en attendant le vol de transit vers Médine. En même temps, je me préparais à prier le dhohr et le ‘asr. Soudain, j’aperçois un frère africain, d’une trentaine d’année, s’effondrer après le ruku'(=l’inclinaison dans la prière). Il m’a fallu quelques instants avant de réagir tant la scène était surprenante. A ce moment, un ami médecin qui participait aussi au Hajj arriva dans la salle de prière et nous nous rendions alors au chevet du malade. Notre premier examen conclu à un coma. Sur le plan cardiaque et respiratoire, il ne semblait pas présenter d’anomalies. Mon confrère le positionne alors en position latérale de sécurité(=PLS) et reste auprès de lui.
Quant à moi, il m’a fallu près de 30min avant de pouvoir joindre un médecin, ni les policiers ni les douaniers ne savaient pas comment organiser la prise en charge médicale! C’est quand même surprenant dans un aéroport qui se veut international! A l’arrivée du médecin, il nous a fallu 30min supplémentaire pour le convaincre du diagnostic. Il était persuadé qu’il s’agissait d’une simulation!! A ce moment là, mon ami a perdu son sang froid et s’est montré davantage insistant. Ce n’est donc qu’une heure après que le malade a pu être pris en charge et hospitalisé.
Ce que l’on apprend par la suite par un policier, c’est que ce frère était en situation irrégulière sur le territoire ce qui gênait la prise en charge… Chose encore plus surprenante, tandis qu’on s’occupait du frère, les autres pèlerins de diverses nationalités étaient de simples spectateurs, d’autres encore nous reprochaient d’occuper de l’espace dans la salle car ils voulaient prier et pire encore, un frère m’a demandé de le prendre en photo avec ses amis!!! C’est pour vous décrire l’indifférence qui ronge notre communauté, pourtant le prophète(prières et salutations d’Allah sur lui) a dit dans un hadith cité dans le Sahih de Muslim:
« L’image des croyants(dans leur amour, leur miséricorde, et leur compassion mutuels) est comme l’image d’un corps : si un de ses organes se plaint d’un mal, le corps entier réagit par l’insomnie et la fièvre »
Voici un lien rappelant la définition de la position latérale de sécurité.
2. La scène suivante se déroule aux jamarates(= stations où l’on jette les pierres) à Mina. Je suis de retour des jamarates au 3e jour de tashriq, le car nous attend à Mina, au niveau des tentes. Sur le chemin, j’aperçois une foule avec un homme allongé au centre. Je me rapproche, il s’agit d’un frère indien de 65-70ans, inerte, les yeux écarquillés, semblant sans vie! Autour de lui, des gens le poussent à réciter la chahada « la ilaha illa allah » pour l’accompagner dans la mort. Je me rapproche davantage et constate avec stupéfaction que le frère est encore en vie, en effet, ces pupilles n’étaient pas en mydriase(=pupilles non dilatées). J’écarte alors tout le monde, prend son pouls au niveau des carotides(à la base du cou) que je n’arrive pas à percevoir, sa poitrine ne bouge pas(=absence de mouvement respiratoire): le frère est en arrêt cardiaque et respiratoire! Je commence alors le massage cardiaque, 60-90s après lhamdulillah, le frère revient à lui en reprenant une respiration saccadée, son pouls est lent mais régulier. Je le met alors en PLS.
Là commence une 2e étape: joindre les secours. Autour de moi, une vrai scène de théâtre, certains se contentent d’observer la scène sans réaction, d’autres me donnent des consignes tout en dégustant un soda, d’autres encore se jettent sur le malade pour lui donner à boire alors que le frère est dans l’incapacité d’avaler, un frère présent à ce moment-là(rappelons qu’ils n’y avait que des frères autour de nous…) m’a même reproché de m’acharner et m’a conseillé de l’accompagner vers la mort!! Finalement, je trouve une ambulance avec un médecin qui après 10-15min de négociation, accepte de le prendre en charge.
Voici un lien rappelant la définition du massage cardiaque en sachant que si l’on est seul, il faut se concentrer exclusivement sur le massage cardiaque qui prime sur le bouche à bouche. Sachez qu’un massage cardiaque mal fait reste meilleur qu’un massage cardiaque non fait où le taux de mortalité avoisine les 100%. Il ne faut donc pas hésiter à se lancer! Gardons en tête ce verset:
Et quiconque fait don de la vie à une personne c’est comme s’il faisait don de la vie à tous les hommes S5V32
Quelle moralité retenir? Ne pas faire d’arrêt cardiaque à Mina? Non, cela ne dépend pas de nous.
Encore une fois, cette situation reflète l’état de notre communauté et cela est vrai pour l’ensemble du hajj qui est un reflet réel de l’état actuel de la communauté musulmane. Je ne vous cache pas que le constat est désolant. Il incombe donc à chacun d’entre nous d’oeuvrer dans le bien, d’améliorer notre comportement et d’invoquer Allah pour nos frères et nos soeurs afin qu’Il mette entre nous l’affection, la fraternité et l’entre-aide qui nous font malheureusement défauts.