Parce que l’activité génitale de la femme est complexe, que les interrogations à ce sujet sont multiples et encore tabous pour un grand nombre de femmes et plus particulièrement dans la communauté musulmane, nous allons essayer d’éclaircir ce sujet au mieux.
Rappelons qu’il est dit dans le Coran:
» Allah ne se gêne pas de la vérité »S33V53
Il est aussi rapporté que les femmes des compagnons du prophète(prières et salutations d’Allah sur lui) envoyaient à Aicha(qu’Allah soit satisfait d’elle) des morceaux de coton imbibés de sang(de fin des menstrues) pour lui demander son avis.
1. Le cycle menstruel
Les menstrues font parties intégrantes d’une activité cyclique appelée cycle menstruel. Durant ce cycle, habituellement de 28 jours, des modifications hormonales ont lieu et ont pour but de préparer l’utérus à une éventuelle grossesse.
Les premières hormones à intervenir sont la FSH(fabriquée par une glande proche du cerveau, l’hypophyse) et l’oestradiol(de la famille des oestrogènes, fabriqué par les ovaires). La première va notamment permettre à l’ovaire de fabriquer un ovule mâture et la seconde permet à l’utérus de faire le plein de nutriments afin qu’il soit capable d’accepter et de nourrir un éventuel ovule fécondé qu’on appelle l’oeuf.
Cette 1ère phase est appelée phase folliculaire. Durant cette phase, une substance recouvre le col de l’utérus et se retrouve aussi dans le vagin: la glaire cervicale. A mesure que les jours passent, elle devient de plus en plus abondante et « filante »(lorsqu’elle est étirée, elle forme un fil qui atteint sa longueur maximale au moment de l’ovulation).
A la moitié du cycle vers le 14e jour, il se produit un évènement appelé l’ovulation durant lequel l’ovule est libéré des ovaires pour rejoindre les trompes puis l’utérus. Cette ovulation est déclenchée par la FSH et surtout par une autre hormone, la LH(fabriquée aussi par l’hypophyse). Leurs taux vont augmenter rapidement 36h avant l’ovulation.
Ensuite, on entre dans une 2ème phase dite phase lutéale durant laquelle une autre hormone fait son apparition, la progestérone. Cette dernière est fabriquée par le corps jaune. En quittant l’ovaire, l’ovule laisse derrière une enveloppe qui l’accompagnait durant sa maturation. Cette enveloppe se transforme et produit la progestérone qui va lui donner une teinte jaune d’où son nom: le corps jaune.
La progestérone va modifier l’aspect de la glaire cervicale, elle devient opaque, épaisse et cassante créant ainsi un milieu inapproprié à la survie des spermatozoïdes. Un peu comme une barrière naturelle pour éviter que des intrus puissent perturber le processus en cours.
Son autre action est de maintenir la préparation de l’utérus en association avec l’oestradiol.
Enfin, vers le 26e jour, s’il n’y a pas eu de fécondation, le corps jaune dégénère et se transforme en cicatrice fibreuse qu’on appelle le corps blanc. Ainsi, la fabrication de progestérone chute et va provoquer à son tour la destruction d’une partie de la surface de l’utérus un peu comme une maison dont il ne resterait que les fondations.
C’est ce qu’on appelle les menstrues. Elles dureront quelque jours, le temps de revenir à l’état antérieur puis le cycle repart…
2. Le syndrome pré-menstruel
Le syndrome pré-menstruel (SPM) est un ensemble de symptômes qui surviennent environ 1 semaine avant les menstrues et qui prennent fin avec leur arrivée ou peu après ces dernières.
Les symptômes les plus fréquents sont un gonflement du bas-ventre, une fatigue, les seins sensibles et gonflés, des maux de tête mais on peut aussi voir des modifications de l’humeur(irritabilité,anxiété,agessivité), une rétention hydro-sodée(impression de « gonfler »), bouffée de chaleur, forte envie de manger sucré/salé…
L’intensité de ces symptômes ainsi que leur durée varient beaucoup d’une femme à l’autre.
Il n’a pas été mis en évidence de cause exacte à l’ensemble de ces manifestations mais il s’agirait probablement d’une sensibilité plus ou moins marquée aux différentes fluctuations hormonales qui interviennent durant le cycle menstruel.
Il existe cependant plusieurs moyens d’y remédier:
– la pratique d’une activité physique régulière, environ 30min et ce 3 fois/semaine au moins.
– le stress peut également accentuer les manifestations du SPM.
– une carence en calcium est également incriminée, plusieurs études médicales ont démontré qu’une supplémentation en calcium était un moyen simple et efficace d’atténuer le SPM. La dose recommandée est de 1 à 1.5g/jour.
Se rapporter à l’étude suivante « Calcium supplementation in premenstrual syndrome: a randomized crossover trial » publiée dans le « Journal of general internal medicine » en 1989. Une étude plus récente de 2005 « Calcium and vitamin D intake and risk of incident premenstrual syndrome » publiée dans « Archives of internal medicine », rappelait aussi qu’en plus de prévenir le risque d’ostéoporose, la vitamine D associée au calcium permet de soulager les symptômes du SPM.
Vérifier donc l’absence de carence en vitamine D, qui devra être traitée le cas échéant, avant de supplémenter en calcium. Pour mieux comprendre la relation vitamine D/calcium, se rapporter à notre article « La vitamine D ».
– les baies de gattilier(séchées et broyées), ou leurs extraits, sont aussi reconnus pour leur efficacité dans le traitement du SPM. De son nom botanique Vitex agnus castus, plusieurs études ont démontré son action dont celle-ci « Treatment of premenstrual syndrome with a phytopharmaceutical formulation containing Vitex agnus castus » publiée en 2000 dans la revue « Journal of women’s health and gender based medicine ».
Pour qu’il soit efficace, il doit être pris quotidiennement les 15 derniers jours du cycle menstruel et durant 3 cycles consécutifs au minimum. Il stimule la sécrétion de progestérone d’où son action sur le SPM mais pas autant qu’une pilule progestative donc il n’a pas d’effet contraceptif.
Cependant, il est déconseillé en cas de grossesse ou d’allaitement à cause des interactions hormonales qu’il pourrait provoquer.
– la hijama ou cupping therapy est particulièrement intéressante pour soulager les menstrues douloureuses.
Bien que cela n’ai pas été encore bien étudié, il est possible que la hijama soit aussi une alternative thérapeutique au SPM.
En effet, il est rapporté dans le Sahih de Boukhari et de Muslim d’après Anas(qu’Allah soit satisfait de lui) que le prophète(prières et salutations d’Allah soient sur lui)a dit:
» Parmi les meilleurs moyens de vous guérir, il y a la Hijama »
Sur le plan scientifique, la localisation DU14 qui correspond à la 7e vertèbre cervicale est couramment appelée « Hormon pomp » de par son action régulatrice sur les hormones.
Certains médicaments sont parfois utilisés tel que des anti-inflammatoires ou des diurétiques voire des anxiolytiques et des anti-dépresseurs, en cas d’échec des thérapeutiques sus-citées. Ne pas hésiter à demander conseil à son médecin traitant.
3. Les métrorragies
Elles regroupent tous les saignements provenant de l’utérus et survenant en dehors des règles, qu’ils apparaissent régulièrement ou non.
– on distingue des causes fonctionnelles, c’est à dire « liées aux fonctionnement naturel du corps », elles sont essentiellement rencontrées pendant la puberté. Durant l’ovulation(éjection de l’ovule), il est aussi possible de voir des métrorragies, on parle d’hémorragie inter menstruelle(=au milieu du cycle). Le stress et l’anxiété peuvent aussi provoquer des dérèglements provisoires du cycle(voyage à l’étranger, contexte de deuil, de rupture affective…)
– cependant, si les métrorragies persistent et/ou s’accompagnent d’autres symptômes: fatigue, prise de poids inhabituelle, dé-épilation(=perte des poils du corps), il faut penser à une hypothyroïdie. L’altération de l’état général, fatigue, amaigrissement, anorexie doit faire penser à une maladie du sang ou de la moelle.
– enfin, il existe une maladie héréditaire(y penser quand plusieurs membres d’une famille sont atteints) qui passe souvent inaperçue et qu’il faut rechercher: la maladie de Willebrand. Cette maladie entraîne une fluidité inhabituelle du sang ce qui a amené souvent des praticiens à la confondre avec l’hémophilie.
– attention à une cause fréquente et à laquelle on pense rarement: l’introduction d’un corps étranger(surtout chez la jeune fille) ou l’oubli d’un tampon par exemple peut provoquer des métrorragies dans les jours suivants.
Il faut savoir que ce corps étranger peut s’infecter, s’il n’est pas retiré à temps, et donner lieu à une maladie infectieuse très grave: le choc staphylococcique qui peut entraîner la mort.
– les contraceptifs oraux tels que les oestroprogestatifs peuvent être responsables de petits saignements appelés spotting ainsi que les dispositifs intra-utérins. Quant aux implants sous cutanés, ils peuvent entraîner des irrégularités du cycle.
– chez la femme enceinte, la survenue de métrorragies peut être simplement le signe d’une grossesse en cours mais ces saignements peuvent être en rapport avec des causes plus graves: grossesse extra-utérine, môle hydatiforme ou bien une fausse couche spontanée voire la lyse d’un jumeau.
Il est donc nécessaire de consulter son médecin traitant afin de réaliser dans l’urgence une échographie +/- un dosage sanguin des béta-HCG.
– des métrorragies survenant dans un contexte infectieux(fièvre, frisson) doivent faire évoquer une salpingite(=infection des trompes) ou une endométrite(infection de l’utérus).
– les fibromes utérins, le cancer du col de l’utérus(touchant la femme jeune particulièrement d’où l’intérêt de réaliser un frottis utérin tous les 2 ans) ou le cancer de l’endomètre(plutôt chez la femme ménopausée) sont aussi responsables de métrorragies.
La survenue de métrorragies n’est donc pas anodine, elles doivent motiver la consultation de votre médecin traitant qui pourra décider la réalisation d’examens complémentaires et/ou un suivi gynécologique.
Sur le plan religieux, les métrorragies sont considérées comme des impuretés et elles annulent les ablutions.
Au contraire des menstrues, elles ne nécessitent pas la grande ablution(al ghusl) tandis que la prière et le jeûne sont permis. D’après Aïcha, Fatima bint abi Houbaych(qu’Allah soit satisfait d’elles) interrogea le Prophète(prières et salutations d’Allah sur lui) et lui dit:
« Je suis sujette à des métrorragies, et ne suis jamais pure, dois-je délaisser la prière ? »
Il dit:
» Non, ceci provient d’une veine, mais délaisse la prière une période égale à ta période de règles, puis laves-toi et pries «
Rapporté par Boukhari, Muslim, l’imam Malik dans le « Mouwatta ».
Il est donc nécessaire de prendre en compte la période habituelle des règles(en cas de saignements continus durant tout le cycle) puis considérer les saignements suivants comme étant des métrorragies. Il faut alors se protéger de la souillure par une serviette après s’être nettoyer les parties intimes(ceci n’étant pas obligatoire mais préférable pour limiter la souillure) et refaire ses ablutions à l’entrée de chaque prière.
4. Les leucorrhées
Il s’agit cette fois-ci de pertes non sanglantes.
On distingue:
– les leucorrhées physiologiques: il s’agit de la glaire cervicale dont on a parlé plus haut associée à des desquamations de la muqueuse vaginale(=pertes vaginales) donnant un aspect de blanc d’oeuf cru.
Les modifications de la glaire cervicale au cours du cycle expliquent qu’elle soit plus abondante et filante entre le 8e et le 15e jour du cycle avec un maximum de filance 48h avant l’ovulation.
Ce « liquide blanc » n’est pas une souillure mais il annule les ablutions. Se rapporter au livre « 60 interrogations sur les menstrues » du cheikh Ibn outhaymin, question n°35: « lorsque ces sécrétions(blanches ou jaunes) ne proviennent pas de la vessie mais de l’utérus, elles sont pures. Mais elles annulent quand même les ablutions en dépit de leur pureté. Car les facteurs annulant les ablutions ne sont pas obligatoirement soumis à la condition de la souillure comme c’est le cas des gaz évacués par l’anus qui ne portent aucune souillure et qui entraîne tout de même l’annulation des ablutions…La femme doit donc craindre Allah et bien veiller à sa purification, car la prière n’est pas agréée sans purification même si l’on prie une centaine de fois »
– les leucorrhées pathologiques: dès lors que l’écoulement change de couleur(gris, jaune, vert…), de consistance(grumeaux, purulent…), qu’il soit malodorant voire nauséabond ou associé à d’autres symptômes: brûlure, démangeaison, douleur du bas ventre ou durant un rapport sexuel, envie d’uriner plus fréquente… alors il s’agit d’une vulvo-vaginite. Les germes les plus fréquents sont des mycoses mais parfois ce sont des bactéries qui sont responsables de cet état. Il est nécessaire de consulter dès lors son médecin traitant qui décidera du traitement le plus approprié.
Rappelons que des règles d’hygiènes élémentaires permettent de prévenir la survenue des mycoses vaginales: éviter une toilette intime excessive(cela diminue l’acidité du vagin et favorise ces infections), ne pas porter de vêtements serrés, préférer les sous-vêtement en coton, éviter la piscine.
Voilà, j’espère ne pas avoir été trop rébarbatif mais le sujet est important et mérite l’attention de tout à chacun aussi bien des femmes que de leur entourage et notamment leurs maris qui bien souvent, malheureusement, ne se sentent pas concernés par la question. Gardons en mémoire cette parole du prophète(prières et salutations d’Allah sur lui):
« Le meilleur d’entre vous est celui qui est le meilleur avec sa famille, et je suis le meilleur avec ma famille »
Rapporté par At-tirmidhi(n°3895) et ibn Majah(n°1977).