Ces techniques font l’objet d’un engouement croissant dans la communauté musulmane et nous voyons fleurir un grand nombre de praticiens en naturopathie proposer entre autre des approches diagnostiques et thérapeutiques non conventionnelles telle que l’iridologie ou encore l’hypnose dans une moindre mesure.

Quant à l’homéopathie, elle est le fait exclusif des médecins, dentistes et sages-femmes selon les réglementations du ministère de la santé français. Néanmoins, nombreux sont les femmes musulmanes (les mères notamment) qui adhèrent à cette médication en pensant encore qu’il s’agisse de produits naturels tels que ceux issus de la phytothérapie et donc que ces substances sont « naturellement » inoffensives. En réalité, les produits homéopathiques sont des substances chimiques et industrielles bien qu’inoffensives.

Il est aussi surprenant sur le plan purement scientifique qu’en diluant une substance nocive des millions de fois dans de l’eau que le produit final soit un antidote du produit initial… Certes il est possible que certaines formes de soin échappent à notre raison dans leur mode de fonctionnement…mais le souci est que des études rigoureuses peinent à démontrer un intérêt supérieur au seul placebo…comme c’est d’ailleurs le cas pour la plupart des techniques de soin dites complémentaires et alternatives.

Nous allons donc reprendre brièvement ces différentes techniques puis je vous partagerai un entretien effectué durant ce mois béni de Ramadhan avec shaykh Wassioullah ‘Abbas au sujet de ces dernières.

1. L’homéopathie

Cette discipline fut élaborée par Samuel Hahnemann, un médecin allemand, en 1807 et a pour principe fondateur « la loi de la similitude » empruntée à Hippocrate:
« toute substance susceptible de déterminer chez l’homme sain certaines manifestations peut, chez l’homme malade, guérir des manifestations semblables ».

Selon Hahnemann, la substance (minérale, végétale ou animale) en question doit alors bénéficier d’une série de dilutions successives dont le nombre et le type seront décidés en fonction de l’effet
souhaité et de l’ancienneté des troubles.

L’homéopathie occupe actuellement une place grandissante : en 2004, 39% des foyers français avaient eu recours à l’homéopathie. En 2012, ils sont 56%.

Sa légitimité scientifique n’est pas attestée de manière unanime car les études réalisées parviennent que difficilement à soulever un intérêt thérapeutique supérieur au seul placebo.

Toutefois, sur le plan expérimental, il semble que les produits homéopathiques disposent d’une efficacité relative à défaut d’être absolue. L’absence théorique d’effets secondaires et d’interactions médicamenteuses explique aussi l’indulgence des autorités de santé à son égard.
Sur le plan religieux, nous pouvons nous interroger sur la légitimité de « traiter un mal par un mal » alors que les arguments linguistiques et littéralistes tendent à définir le soin en Islam et notamment dans la médecine prophétique avec une approche allopathique « traiter un mal par son contraire ».

C’est ainsi que la fièvre est traitée par de l’eau :

« La fièvre est une émanation de la Géhenne, refroidissez-la par l’eau »Sahih Al Jâmi’ (n°3191)

Plus généralement, l’imam Ibn Al Qayim invite à « réchauffer » les maladies « froides » et à « refroidir » les maladies « chaudes ». Voir Zâd al ma’âd.

C’est ainsi que les grains de moutarde, le fenugrec ou encore le cresson (réputés chauds) sont cités pour traiter des douleurs rhumatologiques de type mécanique-arthrosique tandis que le miel, le vinaigre ou le henné (réputés froid) sont à privilégie pour les douleurs de type inflammatoire (névralgie, migraine).

L’approche homéopathique est-elle légitime ? Selon shaykh Wassioullah, cela ne va pas à l’encontre des principes décrits plus haut mais s’inscrit plus globalement dans les différentes approches thérapeutiques possibles. Le soin inclus donc ces deux composantes allopathique et homéopathique selon la nature du mal que l’on cherche à traiter.

Toutefois, le principe propre à ce qui est décrit par l’homéopathie industrielle telle qu’elle est conçue actuellement peut soulever des questions quant à sa légitimité scientifique du fait des preuves insuffisantes en sa faveur et du fait d’un principe chimique (la dilution itérative) qui ne correspond pas à une notion reconnue dans la pharmacopée classique et la médecine conventionnelle à proprement parlé.

2. L’iridologie

L’iridologie consiste à étudier l’iris (zone colorée de l’œil) afin de dépister d’éventuelles pathologies voire même d’anticiper leur survenue. Selon les iridologues, l’iris serait en effet une projection du corps humain permettant d’établir un bilan général de santé.

Bien que décrite au XVIIème siècle, la conception moderne de l’iridologie date du XIXe siècle sous le fait d’un médecin hongrois, Ignatz Von Peczely qui a consigné ses observations cliniques et ses méthodes de diagnostic par la lecture de l’iris dans un livre intitulé « Découverte dans le domaine de la thérapeutique et du naturisme. Introduction à l’étude du diagnostic par les yeux ». Il a établi les concepts de base de l’iridologie et élaboré une cartographie générale de l’iris. Celle-ci s’est inspirée du modèle astrologique (12 zones iridiennes représentatives de différentes parties du corps).

Ce n’est que plus tard dans les années 1950 que, sous l’égide d’un chiropraticien américain Bernard Jensen, que l’iridologie intègre alors un versant naturopathique c’est-à-dire qu’elle s’accompagne de traitements d’ordre nutritionnel.

A ce jour, les études cliniques réalisées ne permettent pas d’étayer un intérêt scientifique avéré. Des articles parus dans des revus scientifiques se montraient même assez rude envers cette discipline telle que « Iridology: not useful and potentially harmful » (Iridologie : inutile et potentiellement dangereuse) publié en 2000. Son auteur dénonçait le fait que l’iridologie soit encore considérée comme un outil valable par les naturopathes et qu’elle soit enseignée dans de nombreuses institutions. Il insistait aussi sur le fait que plusieurs praticiens se servent de l’iridologie surtout pour vendre des suppléments diététiques et autres produits phytothérapeutiques.

En 2003, un autre article paru dans un journal scientifique danois décrit, entre autres, les sources d’erreurs d’interprétation. L’article souligne aussi l’absence de consensus au sein même de la communauté des iridologues. En effet, les cartographies et les interprétations des signes semblent souvent varier.

Enfin, on signale aussi des dangers potentiels si la lecture de l’iris conduit à un bilan de santé inexact. En effet, un bilan négatif erroné peut retarder une prise en charge classique tandis qu’un faux « positif » peut entraîner des traitements inappropriés.

Après questionnement de shaykh Wassioullah, il s’avère que cette approche est très ancienne et possède une légitimité expérimentale. En dehors du fait que certains praticiens aient recours à des cartographies suspectes de par leur similitude avec certains organigrammes utilisés dans la sorcellerie…il est possible que la faible efficacité diagnostique de l’iridologie soit davantage liée à l’incompétence du praticien qu’à la technique en tant que telle.

3. L’hypnose

Interagir avec la conscience de l’individu, avec ou sans son approbation, dans un état de semi-éveil ou de sommeil « partiel » est une discipline décrite de tout temps dans la médecine traditionnelle et plus particulièrement chez les divinateurs et autres adeptes de la sorcellerie.

Toutefois, vers la fin du XIXe siècle, une nouvelle forme de contrôle de la pensée par hypnose est apparue et permettait, par le biais des insufflations et suggestions du praticien, de modifier des schémas cognitifs et congitivo-comportementaux. Ses applications psychothérapeutiques dans la phobie par exemple semblaient intéressantes afin de « déprogrammer » une réaction excessive face à l’élément phobogène.
D’autres indications ont vu le jour récemment telle que le contrôle de la douleur pour des affections légères mais aussi dans le domaine de la chirurgie et de l’anesthésie.

Enfin, et ce dès le milieu du XXe siècle, l’hypnose était utilisée non plus pour « suggérer » des idées mais pour « interroger » et « écouter » ce qui était décrit par « l’inconscient » par les psychanalystes.

Cette démarche permettrait alors de résoudre voire de faire resurgir des troubles passés enfouies chez l’individu…

Bien que des praticiens de tout bord s’intéressent à cette discipline (médecins et non médecins) et tendent à lui octroyer une légitimité scientifique, il est toujours difficile d’apporter un avis objectif sur cette technique d’autant qu’il soit décrit une sollicitation possible des djin dans certaines formes d’hypnose…

A cet effet, en 1991, le comité des grands savants d’Arabie Saoudite (fatwa n°1779 paru dans le tome 1, page 399) mettait en garde contre l’hypnose décrite alors comme une pratique charlatanesque faisant intervenir les djins, ces derniers étant au service du praticien afin de provoquer des réactions chez le malade voire parler à sa place pour convaincre l’auditoire.

Lorsque j’interrogeai shaykh Mohammed Bazmoul en mai 2014, après l’avoir informé des bénéfices possibles de l’hypnose « scientifique » et des dérives décrites par la fatwa citée précédemment, il me tint ces propos « afin de statuer sur cette question, il me faut converser avec un praticien qualifié dans cette discipline afin de pouvoir juger en toute connaissance des choses…il me suffira ainsi qu’à toi la position de nos savants le temps d’éclaircir cette notion et Allah est plus savant ».

En interrogeant shaykh Wassioullah, il adopta la même position en s’interrogeant sur la méthode avant tout avec toujours cette crainte d’une sollicitation des djin ou d’autres moyens illicites.

En attendant d’avoir une approche plus précise et actualisée sur l’hypnose, je me contenterai ainsi de la prudence selon cette règle connue « l’éloignement d’un mal prime sur la sollicitation d’un bien ».

Pour information, shaykh Abu Anas Wassioullah ‘Abbas est docteur en sciences islamiques, spécialisé dans le hadith et enseignant à la mosquée sacrée de La Mecque.

Quant au questionneur, il s’agit du frère Hicham Lagssasse, conseiller conjugal et familial au sein de mon cabinet médical.

Voici l’échange en question en date du vendredi 16 Ramadhan correspondant au 3 juillet 2015 à la Mecque :

Questionneur : Noble shaykh, nous avons quelques questionnements relatifs à la démarche diagnostique propre à la médecine : de nos jours, beaucoup de personnes, en particulier en Europe et en France, ont recours à des approches diagnostiques diverses telle que l’hypnose ou encore l’iridologie.

Shaykh : c’est-à-dire ? Dans le champ de la psychothérapie ?

Questionneur : L’iridologie se fonde sur l’analyse de l’œil via une compartimentation en douze secteurs en référence aux zodiaques par lesquels telle coloration correspondrait à telle pathologie.

Shaykh : ceci se retrouve dans la médecine arabe ancienne, certaines personnes ont une coloration jaune témoin de telle activité vasculaire (le shaykh désigne alors l’iris par son doigt) de même que cela est connu dans l’observation de la langue, telle crevasse désigne tel trouble…tout ceci existe dans la médecine arabe ancienne ; s’il s’agit de ce qui a trait à cela alors ceci est une affaire simple. Quant à l’hypnose, de quoi s’agit-il ?

Questionneur : le patient est disposé devant le praticien et par un moyen que nous ne connaissons pas, celui-ci parvient à endormir le patient le détachant ainsi de la réalité.

Shaykh : c’est-à-dire qu’il lui fait perdre conscience ?

Questionneur : oui mais il parvient à le faire parler.

Shaykh : il parle et entend ?

Questionneur : il parle, écoute, répond et informe sur ce qui est enfoui au fond de lui, il informe sur son passé et sur ce qui a pu lui arriver.

Shaykh : cela ressemble à ce dont nous avons eu vent au sujet des méthodes anciennes employées dans les prisons (pour soutirer des informations) ; par exemple untel est privé de sommeil durant quatre jours, dès qu’il s’endort il est réveillé à coups de bâton puis ils le laissent dormir et celui-ci communique alors (à son insu) ou bien il subit un interrogatoire coercitif par ses geôliers et il répond alors…tel est ce que l’on m’a rapporté mais le souci (dans l’hypnose) est comment peuvent-ils perdre conscience et parler en même en temps, ceci est problématique !

Questionneur : en effet,

Shaykh : concrètement avez-vous été témoin de cela ?

Questionneur : il s’agit de notre ami et docteur Ait m’hammed Moloud qui fait partie de nos frères qui ont étudié en France et qui a ouvert son cabinet au Maroc ; il rencontre des individus qui ont recours à ces méthodes et est investi à vérifier leur légitimité religieuse

Shaykh : par Allah, la situation est délicate car comment peux on prétendre faire perdre conscience à une personne, l’endormir à l’image d’un mort lorsque son sommeil est profond, comment est-il possible qu’il puisse encore écouter et répondre ?! Ceci est raisonnablement invraisemblable ! Je crains qu’il y ait un recours aux Djins. Si leur implication est confirmée alors ceci est interdit.

Questionneur : Quant à l’iridologie, et ses douze sectorisations, voici de quoi il s’agit (le shaykh prend connaissance d’une cartographie, voir en fin d’article), elle est pratiquée aussi par des musulmans en France,

Shaykh : à visée thérapeutique ?

Questionneur : ils l’utilisent à visée diagnostic de telle sorte que le praticien prétend pouvoir dépister un mal avant qu’il ne survienne

Shaykh : avant qu’il ne survienne ?

Questionneur : de même qu’il dépiste la carence en telle substance…par un moyen diagnostic qui n’est pas corrélé par l’approche scientifique et clinique classique mais plutôt une pratique expérimentale

Shaykh : au sujet de la pratique expérimentale et populaire, en Inde, (il existe une technique) qui consiste à saisir ici (le shaykh saisit la main du questionneur et pose son doigt sur un trajet vasculaire de son poignet droit) et j’en ai été témoin, on pose trois doigts sur le poignet durant une minute et selon le battement (cardiaque) le praticien a pu dire au malade qu’il fut atteint par ceci et cela vingt ans auparavant ! Une fois un homme est venu voir un tel praticien et celui-ci lui a dit (après analyse de son pouls) qu’il ne le soignerait pas tant qu’il ne se serait pas repenti de ce qu’il avait fait à moins qu’il ne préfère qu’il ne lui dise de quoi il s’agissait ? Celui-ci rétorqua alors non je préfère me repentir ! Il avait découvert qu’il s’était adonné à la fornication et notamment à la sodomie, Subhanallah il parvint à savoir cela !

Questionneur : ô shaykh à quoi cela se réfère-t-il ?

Shaykh : cela se réfère à la pulsation cardiaque

Questionneur : il s’agit donc d’une approche scientifique ?

Shaykh : une approche scientifique et expérimentale répandue en Inde et aux applications surprenantes mais si le praticien ne maîtrise pas cette science alors qu’il s’abstienne

Questionneur : s’il n’est pas avisé en cela ?

Shaykh : oui s’il n’est pas avisé en cela ; quant à l’hypnose je crains vraiment que cela fasse intervenir les djins car certaines personnes ont particulièrement recours à eux et sollicitent leur aide ; j’en ai été témoin, un homme vertueux dont la femme était atteinte par les djins, elle s’enfuyait vers une contrée élevée appelée Wadi Al ‘Ushayra (elle était possédée par un djin ‘âshiq-amoureux qui était aidé par une armée de djin à l’extérieur) et provoquait les pleurs de son époux lequel invoquait Allah ta’âla abondamment jusqu’à ce que deux personnes vinrent le voir et lui proposèrent leur aide. En effet, ils l’aidèrent au point où les uns (les djins au service des deux hommes) combattirent et vainquirent un grand nombre des djins (allié au djin ‘âshiq) et c’est ainsi qu’il me conta ce récit. Puis il se mit à la soigner de cette même manière en sollicitant leur aide (aux djins) et il m’interrogea à ce sujet, je lui répondais qu’il y avait un grand danger dans cette pratique car (entre-autre) s’ils s’énervaient à ton encontre alors ils pourraient se retourner contre toi!

Questionneur : il y a une autre affaire qu’ils appellent l’homéopathie qui consiste à élaborer un remède en recourant à la substance vicieuse responsable du mal en question par dilution

Shaykh : d’où se la procurent-ils ?

Questionneur : cette substance nocive est en leur possession puis ils la diluent dans de nombreux volumes d’eau et donnent au malade ce remède issu de cette dilution au millionième

Shaykh : Subhanallah ! Ils sont revenus aux anciens remèdes ! Auparavant, on recourrait également à des remèdes élaborés à partir de substance nocive telle que le venin de serpent, ce même serpent que l’on retrouve comme emblème des pharmaciens. Il est surprenant de voir comment ils parviennent à extraire ce venin subhanallah ! Une fois nous nous rendîmes au Nigéria en compagnie de shaykh Soubayl et nous visitâmes un zoo dans lequel se trouvaient des serpents subhanallah, de gros serpents enfermés dans des cages de verre et qui crachaient leur venin (sur les parois de la cage) comme cracherait un homme puis ils attendaient que le venin sèche pour le récupérer et en élaborer des remèdes, vois comment ils le récupéraient subhanallah !

Ecouter l’échange:

Cartographie montrée à shaykh Wassioullah:
cartographie iridologie

Fin de l’extrait, à suivre in cha Allah…